Imaginez un monde de heroïc fantasy dans lequel tout serait dé. Les monstres seraient des dés. Les objets seraient des dés. Les sortilèges seraient des dés. Les héros eux-même seraient des dés. Dungeon Dice est ce monde et - vous l'avez compris - il s'adresse aux amoureux de dés.
Le jeu prend la forme d'un gros sac noir ou blanc, lequel contient plusieurs sacs colorés, lesquels contiennent les dés. Ces dés constituent la totalité du matériel du jeu. Dungeon Dice ne plaisante pas : 87 dés pour le jeu de base, auxquels on ajoutera les exclusivités Kickstarter (7 dés), les mini-extensions (7, 6 et 5 dés), voire les extensions tout court (la première, Guilds, compte 51 dés plus 4 exclusifs Kickstarter. La deuxième, Colosseum est à paraitre à l'heure où j'écris ces lignes. Une troisième extension pourrait voir le jour). Mettez tous ces dés dans un sac unique, plongez vos mains dedans, et imitez Yves Montand réveillant Louis de Funès dans La Folie des Grandeurs. C'est bluffant.
La quantité est là, c'est bien. La qualité est là aussi, c'est mieux. Les dés sont gravés avec des dessins et des symboles simples et efficaces. Joliment dessinés, les monstres sont immédiatement identifiables, et un code couleur permet de juger de leur dangerosité d'un coup d'oeil. Côté héros, les joueurs accumulent devant eux divers dés de tailles et couleurs variables pour représenter leur expérience et leur équipement. Il y a un côté jubilatoire à acquérir ce deuxième dé de niveau après une victoire contre un monstre, ou à piocher l'armure qui manquait jusque là.
Le gameplay n'est pas en reste. Nous avons ici un jeu de dé qui inclue une base de négociation. En début de partie, les monstres seront souvent trop fort pour les héros, qui devront alors négocier des alliances temporaires. C'est une façon de jouer qui en général ne me plaît pas, mais ici cela fonctionne bien. C'est une question de gestion de risque. Est-ce que je suis capable de battre ce monstre seul ou pas ? Est-ce que j'assure la victoire en la partageant avec un concurrent, ou est-ce que je tente le coup tout seul ? Très vite on comprend qu'il y a beaucoup plus à gagner qu'à perdre dans un combat. Ce mécanisme encourage les comportements courageux voire téméraire, ce qui - hasard des dés oblige - donne des victoires étonnantes comme des défaites fracassantes. L'aspect négociation, quant à lui, rend le jeu légèrement coopératif durant la première moitié du jeu. Puis, vient le moment inévitable où les joueurs se sentent capables de se battre seuls.
Le joueur débutant sera un peu perdu au milieu de tous ces symboles, mais il n'y a pas de difficulté particulière. Une fois les joueurs rodés, les tours de jeu s'enchaînent rapidement. Par contre, carton rouge à la règle du jeu, très mal écrite, qui laisse de nombreuses zones d'ombre. Les cas non prévus par les règles sont légions, ce qui oblige les joueurs à trancher par eux-même. L'auteur prévoit de réécrire les règles pour corriger ce défaut, et j'espère qu'il fera ça bien.
Ceci dit, le principal défaut du jeu vient parfois de son côté chaotique. A son tour, le joueur tire au hasard le monstre qu'il va devoir affronter. Il arrive qu'un même joueur ne tombe que sur des monstres invincibles ou des récompenses sans intérêt. Il aura peut-être l'impression d'avoir été mis hors course par le système, surtout qu'à l'inverse, il est possible d'obtenir de très bon tirage, genre gain d'un artefact au premier tour. Après une trentaine de parties, je peux toutefois dire que les frustrations restent l'exception. Finalement, c'est un genre d'écueil fréquent dans le monde du jeu de société, dés lors qu'il y a du hasard.
Pour finir, il existe une variante solo officielle qui tient la route. Elle sera surtout utile au joueur débutant qui veut déflorer la bête avant de la montrer aux copains, mais elle est plaisante en soit.
Bref, amis des dés, tu cherches un jeu dans un environnement médiéval fantastique, ne va pas plus loin : Dungeon Dice est fait pour toi.