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Tous les avis sur Oukoun 2009

2 Résultats

Mélange de sobriété et d’élégance
Les + : Règles ultra simples Parties rapides Matériel superbe et agréable au toucher Pas prise de tête Les petits plus : - les pièces neutres - 2 sens de déplacement - 2 possibilités de victoire - possibilité de scinder la pile jouée Les - : Pour amateurs de jeux abstraits Diffusion trop discrète (que sur le site de Jactaléa) Donc : J’adore

PtitJu

22/01/2020

10
Un loukoum
Dans un monde du jeu au bord de l'asphyxie, tant par saturation de l'information que surabondance de l'offre, un monde, une filière devrait-on dire, rattrapée, peu à peu, par la globalisation et ces symptômes diffus que sont le zapping consumériste, la possession compulsive, le fétichisme matériel - ennemis les trois de tout approfondissement -, la segmentation des clientèles et le ralliement à des standards dominants, l'un d'obédience allemande à fort contenu managerial et comptable, comme si la main invisible du marché avait laissé son empreinte idéologique jusqu'au coeur de l'objet, bref, au milieu de toutes ces mutations, il se trouve encore quelques mohicans, ici et là, qui poussent leur pion et construisent leur oeuvre, loin de tout charivari, de tout buzz, en poètes. (Je reprend mon souffle) Claude Leroy est de ceux-là. Poète, il peut en mériter le titre, assurément. L'homme aurait pu manier l'alexandrin, être un maitre dans l'art de l'ikebana. Le registre, en fait, importe peu. La providence lui commanda un jour d'aller quérir la beauté où on la soupçonne le moins, pensez, dans les rapports combinatoires les plus abstraits ceux qui lient le chiffre à l'espace. En faisant acte de création dans l'univers du jeu abstrait Claude Leroy comme Kris Burm extirpe cette beauté immatérielle sous-jacente, à la manière d'un Michelange libérant la forme du bloc de marbre dans lequel elle se trouvait prise. Sa dernière création, Oukoun, en droite ligne avec Khan Tsin, nous montre sa fidélité à cet orient. Et nous rappelle, autour de quoi gravite cette écriture qui sample jeu après jeu des fragments clairement identifiables. En premier, la trinité numérique 1,2,3. Omniprésente à travers toute l'oeuvre. 1,2,3 La valeur des pions dans Gygès, la valeur des cases, des griffes et des rayons dans respectivement Mana, Khan Tsin et Oukoun. Trois encore, les couleurs dans ces deux derniers. Trois fois trois, les piles gagnantes. 36 les anneaux du dragon. Esotérisme du nombre. Autre élément rémanent, la valeur fluctuante des pièces en terme de mobilité. Libres ou non d'être jouées selon qu'elles seront à l'arrière ou investies d'un sésame - le mana - et tirant contextuellement leur rayon d'envergure de la valeur d'assise. Et puis on pourrait citer de même le set-up des pièces, totalement ouvert, ou encore la non attribution d'une couleur en propre à chaque joueur comme éléments du style, encore que sur ce point Oukoun marque une rupture, légère, puisque les pions neutres demeurent un matériel de jeu commun. En lisant les règles je me suis souvenu de Pilare de Jorge Gomez Arrausi pour l'exploitation de la couleur neutre, précisément, et des stratégies de blocage des piles qu'elle permet. Les deux jeux, de surcroît, renvoient aux jeux de mancala. Mais si Pilare reprend la distribution en semailles des piles, Oukoun n'en reprend que la piste circulaire attribuant à chaque station une valeur numérique indépendamment de son contenu. Dans Oukoun, autre innovation, les girations seront horaires et anti-horaires. Mais ces affinités qu'entretiennent sur le plan formel Pilare et Oukoun disparaissent à l'épreuve du jeu. La familiarité la plus patente demeure toujours avec l'ainé, Khan Tsin, dont le bagage vous prépare quelque peu à rentrer dans Oukoun : voir la stratégie de saturation des piles qui dans la couleur adverse vous en assure maintenant le contrôle définitif. Bien que disposant d'une mécanique plus immédiate, sur le papier en tout cas, que celle à l'oeuvre dans Khan Tsin, ainsi n'a-t-on plus droit à des choses aussi baroques que le retournement des piles, je crains que ceux, nombreux, qui furent désemparés par le précédent opus ne le soient encore et ne sachent pas par quel bout appréhender celui-là. Et pour cause, comme déjà dit plus haut, sur le modèle de l'awalé, Claude Leroy a fait en sorte que son dragon impérial se morde la queue, assurant au jeu un développement assez vertigineux, là où naguère l'on n'échafaudait sa stratégie qu'à partir des quatre bases arrière. Ce jeu, clairement, ne s'adresse pas à cette clientèle dubitative, c'est dit. Les convertis en revanche sauront en goûter les raffinements à mesure que les piles iront se décantant révélant progressivement les implications stratégiques comme ces effets de bande induits par les déplacements des piles sur l'amplitude de mouvement des piles voisines. Destabilisant en diable ! Il y a donc ici matière à réflexion, qu'on se le dise. Je crois comprendre que Claude Leroy aime la Grèce, tel semble nous l'indiquer les emprunts à la langue et à la mythologie qu'il fait pour nommer ses jeux, pourquoi alors, mais qui suis-je moi pour lui faire pareille suggestion, ne revisiterait-t-il pas un jour le jeu de backgammon ? Sans les dés, cela va sans dire. Côté enrobage et je finis. Une crêpe de cuir ajourée roulée en nem et farcie de pions de buis. Un plat diététique donc aux ingrédients nobles. A l'approche des fêtes et ses excès en cholestérol, il tombe à point nommé.

tt-8f6f2a2e46ba25c...

11/12/2009

10