"L'As d'or du jeu de stratégie 2000"... et oui, cela fait 20 ans que Vinci a reçu cette belle récompense \*. Depuis, il a muté pour devenir un jeu dans lequel s'opposent des Sorciers des Forets, Tritons diplomates, Amazones des marais ou encore Géants des collines. Vous avez évidemment reconnu Smallworld et aujourd'hui, ce sont même les peuples de Warcraft qui vont pouvoir se taper dessus en suivant les règles simples – mais géniales – créées par Philippe Keyaerts.
Vinci... mon édition est celle où l'on aperçoit sur la boite des ruines antiques, des colonnes brisées. Cela nous rappelle que même les plus puissantes civilisations finissent par décliner, se fondent dans l'Histoire et deviennent une mémoire culturelle pour les générations qui suivent. C'est un peu d'ailleurs ce qui est arrivé à ce jeu : beaucoup de joueurs en ont entendu parlé, mais ne l'ont jamais joué car Smallworld est là, plus moderne, moins austère et plutôt rigolo avec ces combinaisons improbables : Des Squelettes Fortunés, des Trolls Scouts ou des Zombies Marchands. Avec Vinci, on est dans un univers plus sérieux. Se jouant sur une carte de l'Europe, il simule l'affrontement durant l'Antiquité de peuples anonymes certes, mais avec des compétences (agriculture, milice, monnaie, esclavage, port, mines, etc...) qui les rapprochent des Romains, des Grecs, des Celtes, des Germains et autres "stars" de cette lointaine période.
Il y a plusieurs idées géniales dans Vinci : La simplicité et l'efficacité ludique des combats et conquêtes, les combinaisons variées des deux compétences principales de civilisation qui caractérisent chaque peuple, le mécanisme du déclin... C'est ce dernier qui m'avait peut-être le plus impressionné à l'époque, parce que la maitrise de cet aspect du jeu est assez déterminant pour remporter la victoire. Décliner au bon moment : j'ai vu des joueurs le faire trop tôt, d'autres le faire trop tard, d'autres le faire peu souvent, d'autres changer régulièrement. Moi-même j'ai eu des regret dans certains parties, genre "Zut ! J'aurais du faire un tour de plus avec mon peuple Armes/ports !" ou au contraire "Pfff ! Mes Barbares/Médecine, vu la situation, j'aurais dû les mettre en déclin plus vite". Le déclin est une grande idée qui impose aux joueur d'avoir le sens du timing, de bien sentir le rythme de la partie. J'ai même tendance à penser que c'est le déclin qui fait de Vinci autre chose qu'un simple jeu de baston.
La victoire se joue autour d'une ligne d'arrivée. C'est une course aux points où les scores sont visibles. Pour cette raison, les fins de parties peuvent être assez cruelles car un joueur en tête et proche de l'arrivée (par exemple la ligne des 120 points à 4 joueurs) est souvent victime des derniers combats. Cet aspect du jeu a parfois été pointé du doigt par certains joueurs et j'ai toujours pensé que le système proposé plus tard par Philippe Keyaert pour Smallworld était un peu plus judicieux, au moins pour coller à la mentalité de la majorité des joueurs de 2009.
Néanmoins, il y a un charme dans Vinci qui ne s'explique pas, quelque chose à la fois de simple et complexe. Et puis j'aime bien le plateau, les aides de jeux, les petites tuiles civilisation, les règles sont bien présentées. Après, il y a les pions population, des petits jetons de bois colorés tout simples, un peu sévères... ah oui, on est loin des jolis jetons cartonnés et illustrés de Smallworld. Par son matériel, Vinci est sans doute un peu dépassé aujourd'hui, mais l'ensemble de ces mécanismes tient toujours bien la route et j'espère que la version Warcraft aura du succès. Quand à moi, je regarde à nouveau le couvercle de ma boite, ces ruines illuminées par un soleil couchant et je repense aux parties animées que j'ai eu la chance de disputer autrefois sur Vinci.
PS : Pour le titre, il y a eu un petit débat sur le forum en 2007 au sujet de la prononciation (et même du sens) de Vinci. Je me souviens plus pourquoi je n'y avais pas participé mais aujourd'hui je le regrette... c'était pourtant un noble combat non ?
\* Le "Super As d'Or" avait été attribué à Kahuna. Cette année là, le SdJ fut décerné à Torres... une autre époque quoi.