Au-dessous du volcanAvec un nom tout droit sorti du catalogue des productions Haba, 18 Lapins cachait bien son jeu. On avait affaire, en fait, à un solide jeu à la … Wallace (sans Grumit). Balam recadre donc les choses. Et met enfin à la disposition du plus grand nombre (n’exagérons rien!150 élus au plus pour une première fournée) un objet ludique que seuls quelques bricolo-pionniers avaient fait l’effort de découvrir. Le jeu profite de ce play-testing élargi et l’on voit apparaître ainsi quelques ajustements corrigeant des débuts de partie qui avaient lieu trop souvent sur la corde raide. Quand je vous disais qu’il y avait du Wallace là-dessous ! Ma déception avec Balam, car il y a déception, est double. Elle vient, en premier, de la disparition de N’a Qu’une Dent et Bouclier Fumant, deux des rois mayas qui composaient le quartet initial. En second, elle vient d'une partie du matériel. Je préfère nettement pour leurs couleurs et illustrations les bâtiments du jeu à fabriquer que ceux livrés dans Balam. Ces pions bâtiments sont contrairement au reste - la boite, au passage, est superbe - d’une facture assez médiocre et avant même d’avoir été utilisés les miens présentent déjà des coins décollés et des éraflures sur les couleurs vraisemblablement liées à la découpe. Mon avis sur 18 Lapins-Balam peut se résumer en trois points. 1 La grande richesse du jeu. Richesse telle, qu’on ne sait trop où le répertorier. Jeu de gestion, de développement, de majorité, d’affrontement, de placement. C’est tout ça en un. J’avais juste oublié de dire qu’il contient aussi une part de bluff et d’intox avec la connaissance anticipée que l’on peut avoir des cartes katun grâce aux observatoires. 2 Le caractère étonnamment modulable du jeu qui offre du sur mesure suivant la durée de jeu attendue, ou la configuration du nombre de joueurs. Balam poursuit dans la même veine flexible en attribuant plusieurs fonctions possibles au marché. Selon les variantes, le marché fera tantôt fluctuer le prix des terrains à bâtir, tantôt il exercera un contrôle sur les routes et l’acheminement des denrées, tantôt il permettra des rapines au détriment des cités voisines. 3 Le thème. Les nouvelles tuiles et cartes l’enrichissent encore. Des cités Mayas en bord de mer (ah! Tulum, sa petite plage et ses eaux turquoise!), des cénotes où l’on procède à des sacrifices, Chaak le dieu de la pluie. Il n’y a que les volcans qui me semblent saugrenus dans les jungles du Yucatan ou du Peten. Mais peut-être faut-il y voir un clin d’œil au Tikal de Kramer. Dans son avis sur Antiquity, l’auteur nous disait sa frustration de ne point disposer d’armées pour aller casser ceux d’en face, avec Balam il remédie à ce manque et nous sort un grand jeu de civilisation à l’interaction très forte. A l’opposé du chacun dans son coin comme il est souvent de mise. Alors trinquons, un p'tit mezcal en main, pour saluer le nouveau né !
Tikal avant les fouillesSi faire l'archéologue dans Tikal vous a donné l'envie de creuser l'histoire des Mayas et de redonner vie à leur civilisation, alors il vous faut jouer à 18 lapins. Sinon ... il vous faut y jouer quand même ! Excepté un thème superbement rendu et des tuiles pour plateau, les deux jeux, n'ont, à vrai dire, pas grand chose en commun. 18 lapins est un jeu de développement. A la base, rien que de très classique : on bâtit des cités dont les équipements sont financés au moyen de certaines ressources, ici du maïs, du cacao, de la jade etc... Comme, sur chacun des sites, les terrains à bâtir sont limités à 4 voir 2 (ceux produisant les coquillages), il faut donc planifier son développement en s'assurant au mieux de l'interconnection de l'ensemble des implantations. Car la production des villages doit impérativement être acheminée vers les palais ou vers les temples sous peine de se perdre. Via les palais, elle alimente votre trésor, dans les temples où elle est sacrifiée, vous gagnez en gloire. A ces ingrédients typiques d'un jeu de gestion, 18 lapins ajoute le conflit armé. C'est une des réussites du jeu. L'équation gestion + baston est périlleuse et donne souvent lieu à des jeux monstre, Age of Mythology par exemple. Ici, c'est exactement l'inverse. L'intégration du conflit non seulement n'alourdit pas le jeu - la règle claire et complète tient en 6 pages ! - mais, qui plus est, elle lui donne toute sa saveur, un exhausteur de goût en somme ! Interaction terrible au menu. Développement, placement, gestion, affrontement ... j'oubliais dans la potion un zest de majorité pour les amateurs (de Kramer) avec le décompte des terrains de pelote, sans parler aussi des cartes évènements qui donnent du rythme et de la tension à l'ensemble. Et comment ne pas souligner parmi toutes ses qualités le caractère modulable du jeu pour ce qui est du plateau avec ces tuiles que vous disposez selon les matrices de votre choix rendant ainsi les parties plus ou moins agressives, ou modulable encore dans la durée par le nombre des matchs de pelote fixé au départ. Enfin, le thème et sa transposition. On peut véritablement parler de modèle du genre. Le jeu vous convie à une découverte de la société maya sous tous ses aspects y compris ludiques sans rien d'artificiel ou de plaqué sur les mécanismes! Le mieux au final c'est de découvrir tout ça par vous-même. Il vous en coûtera, cerise sur le gateau, quelques séances de travaux manuels - ce qui ne peut pas faire de mal à nos habitudes de consommateurs. Moi qui n'ai que deux pieds comme dirait Thomas Fersen, j'ai vécu ça comme une pénitence, je vous l'avoue, mais c'est le prix à payer pour jouer à ce bijou.