Je suis notoirement peu amateur des jeux de bagout, parce qu’ils sont pour moi un symbole du jeu de société excluant, oxymore significatif, a fortiori dans le party game. Comment prétendre souder autour d’une expérience amusante si l’on exige justement des personnes les plus introverties, celles qui osent le moins témoigner de leur imagination ou craignent de ne pas savoir habilement s’exprimer, d’amuser la galerie par leurs histoires ?
De même que j’avais admiré la capacité de Paris 1889 à nous faire générer des histoires, misant finalement plus sur la logique que sur l’imagination et l’aisance rhétorique, For the Story parvient à répondre à mes réticences d’une façon assez magique.
D’abord en nous faisant composer cette histoire au travers de questions individuelles assez précises, dont on peut très bien se tirer laconiquement ou de façon plus développée quand on se sent inspiré, y compris avec l’aide des autres personnes participant à la partie, qui peuvent soumettre des suggestions ou inviter à préciser des points quand elles sentent qu’on est sur quelque chose d’intéressant, toujours avec bienveillance.
Ensuite et surtout parce qu’on est entièrement libre d’ignorer une question ou suggestion, de passer une question qui ne nous plairait pas à une autre personne, de la défausser pour en prendre une autre, et même de récuser la question ou la réponse de quelqu’un d’autre sans avoir à se justifier, et même sans avoir à prononcer un mot, juste en posant sa main sur une carte, dans une volonté admirable de placer la partie dans un safe space. Un modèle d’inclusion, dont on peut seulement regretter qu’il ne s’affirme pas aussi dans un langage totalement inclusif, qui paraît cherché parfois et plus du tout d’autres fois.
Si la démarche est vraiment louable, le résultat ne l’est pas moins. Dans le jeu compétitif Donjons et Siphons, on incarne un personnage de fantasy chargé de l’entretien du donjon, et cherchant à faire valoir son parcours, ses pouvoirs, ses relations, sa relation avec les différents binômes formés au cours des récurages de toilettes, afin d’être élu chef de service à la fin de la partie, avec tout l’humour très Donjon Parade auquel cela peut très naturellement donner cours.
Un magnifique générateur d’histoires pour une magnifique expérience collective.
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