Le thème et la mécanique étaient très engageants, mais au final, le jeu m’a déçu.
Tout d’abord, il est laid. Les couleurs des illustrations, celles des meeples, les motifs, tout est moche. Awaken Realms est coutumière du fait (à l’exception notable de l’édition spéciale des Châteaux de Bourgogne).
La signalétique comporte aussi quelques problèmes de lecture (les cartes des généraux en particuliers).
Les règles sont pleines d’exceptions ou de cas particuliers (si A et B, alors C, sauf si D, sauf si E, F, etc...), à la hauteur du nombre de possibilités présentées par le jeu : une aide de jeu est nécessaire.
Le côté coopératif est en fait quasiment inexistant, car les premiers joueurs vont imposer leurs actions aux derniers en les orientant, comme dans tous les autres jeux en chacun pour soi. Le premier joueur est très puissant car il décide en partie de l'ordre des actions, et il les exécutera en plus en premier.
Mais tout ceci serait supportable si certains points ne me posaient pas de vrais problèmes :
1. Les casernes ne devraient pas déclencher la honte ! Il est incohérent qu’un général qui recrute pour sauver le pays se couvre de honte parce qu’il est seul à le faire ! Ce devrait être le contraire !
2. De même, l'opprobre devrait s'abattre sur ceux qui ne participent pas à la construction des défenses !
3. Les cartes Stratégie devraient attirer la honte si un seul général s’y place (pour prendre deux cartes !). D’ailleurs, ces cartes sont trop puissantes dans la mesure où l’on peut en jouer jusqu’à trois ou quatre (je ne sais plus) selon les conditions de défaite d’une horde.
4. L’engagement des troupes déclenché par une seule carte : pas possible ! L’emplacement qui permet un redéploiement de ses troupes sur une section différente de la muraille devrait aussi permettre d’engager ses troupes qui stationnent en zone de réserve (soit l’un, soit l’autre, au choix). Cet emplacement n’a été choisi qu’une fois, sans servir au final. De nombreuses troupes sont restées l'arme au pied deux tours (voire plus ?) ; il n'y en a déjà pas beaucoup, alors...
5. Les cartes de Conseiller sont chères pour leur effet de base, et de ce fait, elles ne se renouvellent pas assez vite ; par contre, si vous avez la chance qu’elles se combinent avec votre général (et qu’elles arrivent à temps dans la partie), certaines combinaisons de cartes général/conseiller peuvent être très déséquilibrées.
6. Les archers devraient rapporter des points de victoire quand ils infligent des pertes aux hordes, pas lors de la dernière phase (mais cela peut se discuter, je n’ai pas fait suffisamment attention à l'effet de ce point de règle).
7. C'est long ! Trèèèèèèèès long ! Trop long... pour peu de tours au final.
Au final, beaucoup de frustration, et grosse déception : j'ai envie d'y rejouer, mais je n'ai pas envie d'y rejouer (oui, vous avez bien lu ; c'est clair non ?). Avec un peu de chance, il y aura une réédition de luxe remaniée dans 10 ans, comme pour Les châteaux de Bourgogne...
Que mon avis ne vous trompe pas: 7 Wonders fut un succès en son temps chez les joueurs
expérimentés, 7W Duel a surpassé la concurrence du petit jeu stratégique à deux, et Architects est
bien parti pour s'imposer comme un indispensable du jeu smooth en famille. J'ai assez d'expérience
pour reconnaître un bon produit quand j'en vois un, et ne pas m'entêter dans mes idées reçues, ne
pas extrapoler à partir d'une expérience subjective. Et celui-là, comme le reste de la gamme, est
incontestablement parfait sur le plan ergonomique, esthétique, ludique et commercial. Brillant. Une
évidence, sans doute, pour les vendeurs de boutique de jeu qui doivent conseiller quelque chose à
des joueurs désirant "aller un peu plus loin mais pas trop". Avec probablement en arrière-fond l'idée
que s'ils ont aimé 7 Wonders va à la plage, ils aimeront 7 Wonders fait du ski hors piste, ou 7 Wonders
se fait une soirée Netflix and Chill. Il va s'en vendre des caisses, c'est fait pour. Sauf que depuis le
départ de l'histoire 7 Wonders, et peut-être que cette perfection glacée, parfaitement calibrée, y
contribue, je n'ai pas grand plaisir à pratiquer et approfondir. Pas plus celui-ci que ses aînés. Mais
pas moins non plus.
Quand les rumeurs d'une version plus accessible et écourtée de 7W ont commencé émerger, je me
posais vaguement cette vague question, sceptique: Comment allaient-ils arriver à réarranger le jeu
à la sauce familiale ? Pur exercice intellectuel, car je n'avais aucune attente particulière, au vu de
mes ressentis des deux précédentes versions. Je n'ai pas joué à 7W et 7WD avec les extensions, je
me suis arrêté avant, et certains me diront que je rate l'essentiel. Mouaih, j'en avais vu assez selon
moi. J'aime vraiment les jeux de cartes, j'aime vraiment le thème de la civilisation, et je reconnais
sans peine que c'est super bien fait, mais ces jeux ne me touchent pas du tout. Je les trouve
excessivement froids et mécaniques. Il n'en reste pas moins qu'à une époque, il était difficile de ne
pas jouer à ces deux-là. A la fois par curiosité et parce qu'ils s'imposaient sur les tables. On ne
pouvait pas leur échapper, tout simplement.
L'expérience semble d'ailleurs partie pour se reproduire,même si la concurrence est plus rude qu'en 2010 et 2015, à voir comment il se répand.
Pour illustrer cette idée, je me souviens précisément de la sortie simultanée dans le même salon
ludique, de 7WD et d'un jeu qui n'était pas sans entretenir une certaine parenté avec lui. Une boîte
moyenne, pour deux joueurs, tactique, une proposition interactive, directe, avec un placement
original des cartes. Starfighter, puisqu'il s'agit de lui, connut un tout autre destin. Il est probable que
vous ne sachiez même pas de quoi il s'agit. Une histoire un peu triste, queue de comète, l'un des
derniers Ystari, comme le reflet d'une étoile morte. Un jeu original qui sortait là après une longue
gestation, dans une édition discutable sur le plan esthétique/ergonomique, comme pas pas mal
d'autres de l'éditeur, mais sans l'évidence immédiate qui sauvait les autres jeux. 7WD, lui, surfait sur la
Licence et la sympathie qu'inspire ses auteurs. Quel massacre ! D'un coté, les gens faisaient la queue
pour un jeu lumineux, coloré, très attendu comme le messie, buzzé, "dressed to kill", dont les gens
attendaient énormément, qui par ailleurs semblait tenir ses promesses au vu des premiers retours.
De l'autre, à une autre table, un auteur inconnu, esseulé, une œuvre noire, complexe mais assez
imbitable. Les gens ne s'asseyaient pas de peur de perdre leur place dans la queue pour 7W. Le
contraste était saisissant, et l'on pouvait deviner à partir de là ce que serait leur carrière respective.
J'exagère un peu, je réarrange, je dramatise. Reste qu'au final, questions d'opportunités, de
contextes, j'ai plus joué à 7WD qu'à Starfighter, alors je le préfère a priori. C'est un jeu qui probablement mériterait réévaluation. Réédition. Ou une version plus familiale. Starfighter: l'écoledes petits pilotes on pourrait appeler ça.
Sauf que le marché nous propose à la place 7 Wonders Architects, que j'ai déjà plus eu l'occasion de
pratiquer que bien des jeux que je préfère largement. Et probablement qu'il va écraser la
concurrence comme ses grand frères. Force est de reconnaître que ses armateurs ont réussi là
quelque chose. Mais quoi ? Une version light ? Certainement, car nous sommes dans un jeu plus
facile à comprendre, des parties (un peu) plus rapide, que les deux autres. Le tout possède
suffisamment de chair pour qu'un expert s'assoie dans déplaisir à la table. Un 7 Wonders ?
Incontestablement, puisque l'on retrouve des schèmes de base: les voies de développement, la
gestion du militaire, les niveaux de merveille aux pouvoirs différents; l'interaction avec les voisins qui
autorise une variabilité du nombre de participants. Mais un 7 Wonders très simplifié (exit les âges, les
chaînages, le draft, le scoring, etc.), ou disons plutôt réinterprété à la manière d'un grand chef. Une
réponse à une attente ? Oui, tellement tout semble calibré vers un certain type de public, de parties,
de contextes, de durée, d'attentes. Le talent de l'équipe Bauza / Repos prod fait le reste. C'est, en ce
sens, un marqueur: 7 Wonders qu'on aurait pu un temps considérer comme un jeu introductif - qu'on
pourrait toujours considérer comme tel - est passé un cran au-delà vers la gamme Expert. Une
nuance subtile est introduite, dans la segmentation toujours plus grande du marché, en attendant
Mon premier 7 Wonders en bois, dont on n'est pas si loin si l'on considère la construction des
merveilles ici.
Il faudrait se départir de cette arrogance crasse. Oublier ce que l'on sait déjà, ce que l'on croit savoir,
regarder la boîte avec un œil neuf, celui qu'on avait en entrant en boutique il y a quelques années,
avant l'apparition d'internet. Et réaliser que nous avons en face de nous une parfaite petite machine
de guerre qui devrait brûler du territoire. Le prix n'est pas si bas, mais le jeu est attrayant, et porte des
promesses. La couverture est très belle, avec ce bleu intense et cette perspective ouverte. Le design
du rangement, le caractère concret des merveilles, la simplicité des cartes, la facilité de mise en
place, sont également à mettre dans la colonne des réussites. La possibilité de pratiquer de deux à
sept reste un argument imparable, comme la durée très contenue des parties. Je n'aime pas du tout
le style des personnages, cette pate informatique peu différenciée que l'on retrouve à droite où à
gauche, mais tout cela possède une grande clarté et sans doute que c'est le goût du plus grand
nombre.
Ne pas faire le blasé: j'ai aimé ces parties, d'une certaine manière. Elles sont rapides et farcies de
choix minuscules. Celui entre pioche cachée / pioche chez les adversaires qui va dévoiler une autre
carte, qui fait passer des parties de Boomerang Europe pour des sommets de complexité. Avec ce
choix de trois cartes, et trois destinations (construire sa merveille, renforcer le militaire, ouvrir la voie
scientifique), on peut produire néanmoins des petites choses intéressantes, des petites tensions, des
petites embrouilles, un tempo soutenu, des coups de théâtre quand une carte se révèle, l'envie
irrépressible d'en reprendre. J'aime bien la manière dont la guerre est réarrangée avec les cartes
permanentes / temporaires ; le chat visionnaire; la pioche chez l'adversaire qui remplace le draft, les
pouvoirs très clairs et simples, la grande lisibilité des enjeux. Pour le reste, ça déroule un peu, et il me
manque un peu de barbaque pour vraiment me passionner. Il n'y a plus d'âge, plus grand chose
d'une grande civilisation; nous sommes plus proches d'un concours de travaux public dopé à la
potion magique d'Astérix et Cléopâtre. Pour un peu, on imaginerait assez facilement les gros pavé de
marbres voler dans le ciel.
En ce sens, le portage numérique - en beta sur Boardgame Arena - très réussi lui aussi, ou disons
extrêmement efficace. Il faut en dire un mot car beaucoup vont commencer par là, ou avoir une
pratique mixe pendant un temps. Le mettre à disposition de cette manière est un coup publicitaire efficace, sans doute très pensé. Mais en même temps qu'il accentue encore les défauts:
l'accélération, l'automatisme, l'ignorance des autres, etc. C'est donc un portage que l'on qualifiera
sans originalité de "paradoxal". Comme l'on trouve très rapidement des participants volontaires -
contrairement à Tichu ou des choses comme ça, bien plus complexes, plus intéressantes, mais
moins belles, plus laborieuses, qui semblent prendre plus de temps - c'est ce qu'on va ouvrir plutôt
que d'attendre. Et une fois que c'est lancé, cela va quand même un peu trop vite. Il me manque une
matérialité, du contact, des regards. Quand j'ai vu que je commençais à y mettre moins de passion
et d'interaction que dans une partie de Solitaire - j'insulte mon ordinateur copieusement; je crois que
je peux réussir, j'y parviens occasionnellement. Sur BGA je peux pas, car le système de notation des
citoyens par les citoyens, stade avancé de la civilisation du contrôle, a court, donc je dis "GG", en
pensant tout autre chose - j'ai commencé à m'inquiéter. Je lui ai pourtant mis 5/5, sans trop savoir
pourquoi. Sans doute faut-il y entrevoir une voie d'accès efficace pour voir si le jeu est fait pour vous,
pour "poncer" frénétiquement des voies stratégiques assez peu variées au final, pour tester l'équilibre
- ces mots qui apparaissent, tester, poncer, faire le tour, avoir besoin de, tuer, qui dégagent
finalement plus d'angoisse que de plaisir... Mais cela reste un pauvre substitut au rapport au
physique.
Au final, cette transmutation de 7W en une version plus familiale, une nuance subtile, est une
parfaite réussite. 7WA a quelque chose d'imparable. Il est plus frais, plus actuel, que son aîné de dix
ans. Nous le conseillerons sans problème à quelqu'un qui voudrait commencer, en gardant 7W, qui
occupait cette place avant, comme une étape de progression vers des jeux plus stratégiques. Voire,
il va carrément le remplacer dans son rôle d'intermédiation. Certes, le tout donne plus l'impression
d'un jeu de "cahier des charges" que d'un projet véritablement novateur comme l'était 7 Wonders en
son temps, mais ce n'est pas forcément un problème. Rien de péjoratif, d'ailleurs, dans cette
proposition. D'abord, les choses ne sont pas aussi clairement délimitées que cela (le journal de
création de 7W montrait déjà quelque chose d'un cahier des charges, d'un jeu avec les contraintes
en tout cas). Ensuite, il y a de bons produits de commande et des créations originales sans intérêt
pas suffisamment ouvertes, adressées, racontées. Surtout c'est un équilibre qui ne serait pas sans
déplaire aux amateurs de stratégie: les produits de série permettent les projets plus novateurs; les
coups façon "plat du pied sécurité" la bonne santé du marché. Le statut d'auteur professionnel et la
présence d'éditeurs de variété comme Repos Prod est sans doute à ce prix: une production
abondante, devant viser une certaine efficacité. Et efficace, ce jeu l'est beaucoup. Bravo.
Avis originellement publié sur le site Ludigaume, avant la dernière guerre en date.
Très bons, les châteaux ? Les choses étant ce qu'elles sont, un "Très bon", comme un "7/10", comme
un "79%", un "3/5", ou quelle que soit la tournure qu'on y met, finit toujours dans la période actuelle,
par signifier entre les lignes que le jeu est médiocre voire mauvais. Ce n'est pas le cas. Donc, ce n'est
pas le bon mot. Mais que dire ?
Il y a un paradoxe des Châteaux. Plusieurs paradoxes, en fait. D'abord, c'est un jeu que l'on cite
beaucoup en référence mais que l'on ne sort pas si facilement que ça. Ensuite, il fut dans le peloton
de tête de toute une série de prix, sans rien gagner, pour au final vivre une vie beaucoup plus longue
que les gagnants, sous forme de déclinaisons multiples (jeu de cartes, de dés, extensions, version
light). Point culminant, une version Anniversaire/Deluxe, sortie récemment, et dont la chronique sera
fondue ici avec celle du jeu d'origine. Une version qui accentue encore l'impression d'un jeu à la fois
hyper simple et poussant avec radicalité la complexité ludique dans ses retranchements. C'est un
jeu, nous y reviendrons, qui est centré sur le dé, le hasard, mais qui ne lui laisse que peu de place. Il
semble nous dire, le hasard, regardez ce que j'en fais !
Stephan Feld. Au moment où L'année du Dragon est sorti, en 2007, je fréquentais une boutique de jeu
qui, sans originalité mais avec passion, organisait des soirées. Serge Laget était venu y présenter
Senji, qui m'avait totalement emballé. Stefan Feld n'est pas venu, mais la traduction de ce sommet
de sa production, si. Dans la partie d'à coté, ils semblaient très absorbés. L'animateur des soirées jeu
de la ludothèque, que j'ai croisé après m'a dit: "ouh là, c'est du gros jeu". Un peu dégoûté par Caylus,
rencontré beaucoup trop tôt - quand la vendeuse à qui je l'avais demandé m'a dit "vous êtes sûr,
c'est vraiment un gros jeu ?!", comme le restaurateur antillais qui m'avait demandé "vous êtes bien
sûr de vouloir du piment, c'est un peu fort", j'avais fait la même réponse débile de mec qui croit s'y
connaitre - cela m'avait tenu à distance de L'année du Dragon . Ce n'est que très tardivement que
j'ai vu le caractère génial de ce jeu.
Donc, j'étais d'abord allé vers des Feld plus anciens, Notre Dame (2007) et Roma (2005). Je n'avais
pas aimé le premier, un peu mécanique pour moi, même si les rats c'était cool, j'avais adoré le
second qui était un petit jeu d'affrontement assez concret, avec un usage des dés assez novateur.
Par la suite, le peu que j'ai pratiqué, a fait osciller entre le vague intérêt (Bruges, 2013), et l'indigestion
(Aquasphere, 2014). Il a parait-il un style très affirmé, et c'est pas faux, sauf que j'avais décidé que ce
style n'est pas pour moi. La carrière de Stefan Feld, qui semble se poursuivre avec Bonfire et des
choses comme ça, s'est terminée pour moi avec Les chateaux. Je ne suis pas allé plus loin. J'aimais
bien l'idée qu'une carrière commencée avec les dés (Revolt in Rom chez Queen Games) se termine
avec les dés. Il a exploré beaucoup de pistes différentes avec plus ou moins de bonheur, plus ou
moins de trucs insupportables. Ici, la patte de l'auteur est à ce point reconnaissable, qu'on pourrait
dire que c'est un jeu signature. Il a parait-il produit des jeux excellents (on cite Macao, Trajan, Luna,
Bonfire), sauf que j'ai pas envie. Alors comment se fait-il que j'adore Les châteaux de Bourgogne ?
Je crois que cela tient à sa simplicité paradoxale. L'auteur est réputé pour ses mécaniques
complexes. Ce qui est très amusant, c'est que le cœur de LCDB est on ne peut plus simple. Il ne
cherche pas à nous faire croire à une vague histoire de vignoble ou je ne sais quoi. On pourrait être
en Assyrie avec Rommel, dans l'espace avec Armstrong, en Sibérie avec Gogol. Il aurait juste fallut
remplacer les moutons par des ours polaires ou des lémuriens. Rien de tout cela, on n'y croit pas une
seule seconde. Nous sommes dans une pure mécanique bien débile. On lance trois dés, il y en a un
qui ne sert pas à grand chose. Avec les deux autres, à notre couleur, on va prendre des tuiles sur le
plateau central, sur les cases correspondantes aux numéros et on les met dans son entrepôt / on
remplit des petites cases avec les tuiles collectées. Rien de plus. C'est très facile à expliquer.
Ensuite, bien sûr, part de là comme une pyramide inversée, encore accentuée dans la version Deluxe
qui reprend toutes les petites extensions sorties après dans Spielbox, Essen et d'autres lieux. Cette
pyramide inversée, faite de modificateurs, de contraintes de placement, de scores, de bonus, va
totalement tuer la vitalité du hasard: de l'aléa, nous ferons ce que nous voudrons. Ou presque. La
limitation, c'est le craquage de neurone. Sauf que parfois, on se demande s'il fallait vraiment un
plateau, tant de tuiles et deux heures pour nous amener là, ce point que nous fait éprouvé finement
Très Futé ! ou qui était déjà au cœur de Roma, le premier jeu édité de Feld. La nouvelle version
anniversaire est encore mieux, car elle exagère en tout points les tendances évoquées ici, à base de
tuiles spéciales et autres, toutes très bien pensées et intégrées (un doute sur la route marchande).
Une petite vidéo amusante, intitulée, "Learn the basics of Castles of Burgundy in less than three
minutes", nous donne l'essentiel des règles. On voit surtout à quel point c'est assez moche quand
même. Grisâtre, plat, une régression par rapport à des choses qu'Alea avait pu essayer avant lui.
C'est vraiment étrange, car on isole un élément, par exemple une tuile, c'est un dessin plutôt fin et
agréable. Les animaux sont mignons, les bâtiments bien dessinés, mais une fois assemblé
l'ensemble manque totalement d'harmonie. Vraiment dégueulasse. Aux antipodes des productions
superfétatoires de Kickstarter, une autre idée du jeu. Quand on se dit qu'on va passer deux heures les
yeux rivés dessus, s'autorisant de vagues mouvements vers les plateaux adverses, mais plutôt dans
un cycle plateau individuel-plateau central, cela fait franchement peur. Franchement, même les
dés, pièces centrales, ils ne se sont pas cassés la marboulette: des dés de série, même pas gravés
avec des écritures médiévales ou je ne sais quoi. La version anniversaire ne me semble pas corriger
des défauts, elle est aussi belle et émouvante qu'un enfant qui, voyant qu'il avait fait déborder de la
peinture sur la table, a tenté de corriger à la main.
Une fois passé la mise en place longuette, les sensations sont très fluides. Il y a constamment des
points de repère pour nous dire où l'on en est dans la partie, dans quelle phase, il n'y a pas de
surprise. Plus on avance, et plus on aura de possibilités de faire des choses et moins de possibilités
de les faire. Vous savez, ce genre de plaisir particulier qui vient de la contrainte. On ne peut pas faire
du mal à l'autre, pas vraiment, mais on se fait beaucoup de mal, cérébralement parlant. C'est
vraiment une histoire d'exacerbation du manque, de la petite tuile qui échappe, du petit ouvrier qui
n'est pas là pour changer un 6 en 1, de regrets infinis, de scénarios dans sa tête. C'est une histoire
d'inventivité: on va contourner les contraintes, trouver autre chose, des voies dérivées. Et au final
l'autre gagne de deux points. Genre 234 à 232. Une impression abstraite, déconnectée de la vie.
BGG nous dit que la meilleure configuration est deux joueurs. C'est en tout cas dans cette
configuration que je l'ai préféré, et que je l'ai quasi exclusivement pratiqué. Cela peut aller jusqu'à
quatre, ce qui multiplie par deux la possibilité que l'un des joueurs parte en vrille dans une réflexion
sans fin. Je dirais précisément, que la configuration que je préfère, c'est quand je joue avec
Madame, qui joue à l'instinct, et qui gagne deux fois sur trois le cérébral que je ne peux m'empêcher
d'être. Je n'ai pas essayé avec d'autres personnes, pas besoin. Je n'ai pas essayé la version Blitz,
avec un sablier - c'est dans une extension à venir que n'a pas encore inventé Feld, mais s'il y pense
qu'on sache que j'ai écrit ça le 19/12/21 -, où l'on a trente seconde pour prendre sa décision. C'est
sans doute encore mieux, quoi qu'un peu radical. Mais aimer Les châteaux de Bourgogne aujourd'hui,
c'est de toute façon un geste radical et exagéré.
Bande son: King Crimson - In the Court of the Crimson King (1969), dont la pochette pourrait résumer
mon avis sur le jeu.
Avis originellement publié sur Ludigaume (2021) avant que Feld n'arrête pas de produire
Le matériel est très intéressant et immersif. Cependant les règles sont injouable ou sans grand intérêt. La tentation est donc de créer ses propres règles. Un bon exercice pour les créateurs de jeu en herbe.
Une imposture à noter : aucun personnage ne représente Conan...
Sushi Go Party est de ces jeux qui, après 3 minutes d'explication de règles, rassemblent autour d'une même table petits et grands, joueurs ou novices, gamers ou party-game players.
3 manches, parfaitement dosées, pour drafter et composer son repas japonais en essayant de gagner le plus de points et/ou en empêchant le joueur à sa gauche d'en marquer.
Le nombre de menus possible est grand du coup on a souvent envie de le sortir pour tenter de nouvelles associations et assaisonnement.
Petit bémol sur les cartes que je ne trouve pas de qualité suffisante pour un jeu qui ne fait que de passer de mains en mains.
Jeu très original. Je l'utilise souvent pour le plaisir du casse-tête (tout le monde n'aime pas aller vite, mais aime trouver les énigmes). C'est très fun. Il ne faut cependant pas trop y jouer souvent car cela peut aider quand on reconnait certaines énigmes.