Planifier un voyage au Japon, tel était le postulat de départ de Let's Go to Japan selon son auteur, Josh Wood. Un programme alléchant, n'étant moi-même jamais allé au pays du Soleil Levant.
L'auteur nous donne un cahier des charges plutôt strict : 3 activités par jour, non-plus ni moins, pendant 6 jours. Avec des activités réparties entre Kyoto et Tokyo, comme il avait dû l'imaginer il y a quelques années. Une préparation sans fantasie donc. Bien carrée.
Chaque point d'intérêt est représenté par une carte. Rose pour les visites autour de Kyoto et bleue pour celles de Tokyo. Ce sont des cartes grands formats avec de magnifiques illustrations au centre pour apporter une petite touche de thème et un long texte d'ambiance pour montrer qu'on a bien bossé le sujet.
Le tout encadré par deux barrières d'icônes et petits lapins représentant les points de victoire.
Tout le wasabi du jeu repose dans la parfaite organisation de notre tableau optimisé au poil de cul.
Chaque jour doit être optimisé en yen et en stress mais doit être respectueux d'une thématique pour que chaque chapitre du récit qui naîtra de notre aventure soit déjà écrit à l'avance. Le lundi, c'est sushi, le jeudi c'est 3 torii.
Chaque jour apporte son lot de <s>surprise</s> -d'icônes- qui déterminera le succès de nos tribulations quotidiennes. Oui nos vacances seront réussies si nous suivrons le plan que l'auteur (et c'est important) nous a imposé. Oh oui, le hasard de la mise en place nous apportera des thématiques différentes, mais les enjeux ne changent point. Aucune rencontre impromptue, aucun évènement heureux ou malheureux, pas de turista, pas de mésaventure dans les rues de Tokyo. Notre GPS s'occupe de tout et le temps est parfait. Seuls l'argent ou l'affluence affecteront notre parcours sans accroc. Nous pouvons déjà pensé à rédiger nos articles de blog et à préparer le squelette de notre album photo en papier glacé. Bon, j'exagère certaines promenades pourront se transformer en visite surprise au moment d'arpenter les rues des villes japonaises.
Pour passer de bonnes journées il nous faut trouver des points de convergence entre tous ces lieux touristiques pour que l'un d'eux, le meilleur moment de ladite journée, vienne bonifier le reste de notre voyage. Notre journée ne doit pas être passionnante, elle doit être cohérente. Si la construction de tableau comme élément mécanique principal n'est pas un problème en soi, nous choisissons bien des lieux à visiter avant un voyage, son implémenation sous forme de puzzle vient étouffer notre espace de liberté.
Il faudra par exemple éviter de jongler entre Kyoto et Tokyo au risque de devoir prendre le train à chaque fois pour relier nos destinations et de prendre une pénalité comptable.
Et pour choisir ces cartes, qu'avons-nous ? Du draft. Du draft, comme dans du choix de cartes, mais aussi du draft pour passer les cartes. Durant les premiers tours, on y va au feeling. 1 carte sur 2. Par la suite, on pourra en choisir 2 cartes parmi 4. Un arc de progression pour rendre les choix plus impactants ? Hélas non. Souvent on se résoudra à choisir la moins mauvaise des cartes. Ou celle qui améliorera de manière minimal notre scoring de fin de journée.
Le scoring, parlons-en tiens. Les icônes ont plusieurs fonctions : récupérer un bonus éventuel si on fait correspondre nos icônes aux attentes de la journée, récupérer des points de victoire en fin de partie (plus on en a, plus on avance sur une simple piste), et bonifier ces icônes avec des scorings de fin de journée proche d'une mécanique de collection. Trop souvent, ces scorings n'auront que peu de personnalités et donneront peu ou prou le même nombre de points. Un peu comme quand votre pote avait eu 14/20 à son interro de géo. 13, c'est bien comme lui, mais c'est quand même moins bien. Celui qui s'est pris un peu plus le choux a eu 18/20. Vous laissez tomber.
Nous pourrons peut-être compter sur nos réserves de cartes passées à nos adversaires ? Que nenni. Impossible de nous rappeller de la valeur des cartes passées antérieurement. Trop d'informations à prendre en compte et, encore une fois, aucune carte n'offre le frisson qui va transformer le reste de notre partie. Et de la même manière, il est impossible d'avoir de la visibilité sur le jeu adverse. Pourquoi passons-nous donc des cartes ? Même question : jouer avec des cartes en nombre limité, pourquoi faire ? La garantie de la fameuse rejouabilité ?
Perdus dans nos méandres d'icônes, l'auteur a privilégié un système de collection plutôt que de combinaison. Raramenr, nous esquisserons le sourire synonyme d'une stratégie bien établie.
Et c'est un peu le sentiment qui ressort en fin de partie. Demeurera l'impression d'un voyage organisé. Nous aurons tracé notre route en parallèle de celles de nos adversaires, les croisant au détour d'un restaurant sans pouvoir les reconnaître. Le jeu fonctionne sans aucun doute. Il plaira aux fans de Cascadia par exemple. Un jeu d'optimisation bien réglé et bien illustré mais qui ne m'a laissé que peu de souvenirs.
Un système de jeu aussi flexible permet d'envisager sereinement de multiples déclinaisons à travers le monde. Ce sera je pense sans moi.
Josh Wood, l'auteur, semble avoir une passion pour les assemblages, les combos et puzzle puisque ce sont des mécaniques que l'on retrouve fréquemment dans ses jeux ( Santa Monica (localisé mais abandonné), Cat Lady ou les extensions des Petites Bourgades). Là encore, il sera question de collection par couleur/ville et comptage de symboles, avancée sur des pistes etc... Des dizaines de cartes représentant les monuments, lieux, gastronomie de Tokyo ou Kyoto sont la pioche où, selon les tours, on se servira. La moitié de notre prise sera posée, l'autre donnée au voisin. On se servira ensuite dans ce stock pour continuer notre visite touristique. Quand vous terminez une collection de trois cartes, regardez le nombre de symboles correspondant au lieu et validez un bonus plus ou moins important. Un peu comme dans Faraway, en moins tordu, on fera le décompte des points, selon les conditions demandées (3 lotus/des paires Tori/miso...). On regardera combien de fois vous êtes passé de Tokyo à Kyoto et, si vous n'avez pas de jeton train, ce sera des points en moins. Le jeu est simple et touffu, il faut veiller à une cohérence des couleurs, gérer ses combos, l'ordre de ses décomptes, accessoirement refiler des cartes inutiles au voisin, seule interaction dans ce jeu solo à plusieurs. D'autres petites règles pimentent ce jeu déjà casse-tête. Très agréable à jouer, prise de melon ce qu'il faut, cartes qui font voyager... ce séjour est finalement moins original que l'on pensait à la première partie, cela n'empêche pas de remonter dans le Shinkansen pour un nouveau trajet.